lundi 9 mars 2009

Raconter des histoires... (2)

Page 32 mise en couleurs.


Il est important, quand on projette de construire un récit dit "réaliste" et qu'on rechigne à subir les sarcasmes du lecteur, que les événements en soient plausibles. C'est à dire qu'ils devront être conformes à ce que peut nous proposer la réalité.

Exemple:
Imaginons un auteur tenté par une sombre histoire sociale. Il met en place le scénario suivant, qu'il soumet à un éditeur:

Une famille recomposée. une fillette de 9 ans, aux yeux brûlants. Elle subirait le pire: son beau-père la viole. Elle tomberait enceinte ("à 9 ans?" s'étonne l'éditeur).
Oui, et de jumeaux, en plus (soupir agacé de l'éditeur).
Inquiets pour la santé de la fragile fillette, des médecins, fidèles à leur serment, la libéreraient de cette grossesse qui va ravager sa vie si mal partie (œil humide de l'éditeur).

Il faut un cadre à cette histoire. Choisissons un pays catholique, le Brésil par exemple.
Coup de théâtre. Suite à cet avortement, l'évêque local, un homme ouvert et intelligent (qualités indispensables pour accéder à cette noble fonction), soucieux du destin des ses ouailles, excommunierait les médecins et la mère de la fillette aux yeux brûlants.

L'éditeur fait la grimace. Quel être humain doté d'un cœur et d'un cerveau irait jusque là? Pas crédible.

Et le Vatican, qui compte au mètre carré un nombre considérable d'hommes ouverts et intelligents dotés de cœurs sensibles et de cerveaux éclairés, confirmerait la sentence.

Là, excédé, l'éditeur se lève pour congédier l'auteur, sans attendre la suite. En plein XXIe siècle? On n'y croit pas à ton histoire. Pas réaliste. Laisse tomber. C'est pas possible, personne ne se conduirait comme ça dans la réalité.