jeudi 5 mars 2009

Raconter des histoires...


Planche 32, encrée.

Nous autres, qui tentons chaque jour du mieux possible de vous raconter des histoires, affrontons depuis quelques temps une concurrence terrible, aux moyens disproportionnés.

Dans les palais du pouvoir, des escouades d'hommes brillants que j'imagine -je ne sais pas pourquoi- fondamentalement Rollexophiles et artificiellement bronzés, se sont mis en tête de vous en raconter aussi.
Leurs motivations sont limpides: le bon peuple aime les bonnes histoires. Y'a qu'à les en abreuver. Pendant ce temps-là, ils feront pas les cons dans la rue.

Exemple: Un petit pays est secoué par une crise. Pour faire oublier les grotesques promesses qui l'ont porté au pouvoir, son petit président dégotte en quelques semaines une chanteuse anorexique aphone et la brandit sur les couvertures de magazines. On s'extasie, on ricane, ou on est scandalisé, mais -et c'est là l'essentiel- on parle de cette "histoire".
Autre exemple: Comme la crise ne fait rien qu'à continuer, on réveille dans le Massif Central quelques jeunes gens à l'idéalisme remuant et on invente à leur sujet un nouveau concept dont les médias vont raffoler. On n'a qu'à appeler ça l'ultra-gauche. C'est nouveau, et ça fait un peu peur. Parfait.
Il ne reste plus qu'à embastiller ces jeunes gens, malgré le vide sidéral qui sévit dans leur dossier. Pas grave. Cette "histoire" va calmer le bon peuple qui a faim, qui sent son exaspération monter mais qui y réfléchira à deux fois avant de franchir la ligne blanche.

Cette technique s'appelle le storytelling, elle est surtout appliquée dans le domaine commercial, mais aussi, et de plus en plus, dans le domaine politique.
Et comme quelques autres idées modernes qui font ces temps-ci la joie de l'Homo Sapiens, ça nous vient des États-unis.

Certains individus s'obstinent pourtant à ne pas les écouter. Notons par exemple que si Monsieur Élie Domota avait été sensible à cette délicate attention, il aurait eu des journées moins fatigantes ces dernières semaines.

Notons aussi que Julien Coupat est en taule depuis 111 jours, pour rien.